dimanche 11 septembre 2011

Retour aux sources (première partie)



Nous sommes rentrés de Turquie il y a deux semaines et je viens tout juste de reprendre mes esprits. J'ai beaucoup de mal à gérer mes retours de vacances en famille et, comme si cela ne suffisait pas, nous avons été accueilli à notre retour par Irene, un ouragan qui nous a privés d'électricité pendant 32 heures, puis par une tempête tropicale qui a inondé la région. Maintenant que les choses sont à peu près rentrées dans l'ordre, je peux enfin me plonger dans mes photos de Turquie et revivre les plus belles émotions de mon séjour.



A une exception près, j'ai passé chaque été de mon enfance puis de mon adolescence en Turquie. Je ne garde pas forcément un souvenir très doux de ces séjours : le soleil, la mer bleue et le sable fin n'arrivaient pas toujours à me distraire de mon ennui, ni de ce curieux sentiment de ne pas appartenir. Ma sœur et moi parlions certes truc, mais avec un accent assurément frenchy, tandis que mon prénom français et ma peau trop claire suscitaient un flot constant de questions chez les autres enfants.



J'adorais en revanche revoir mes cousins d'Allemagne qui, eux, parlaient turc avec un accent allemand et me permettaient de me sentir moins seule, et mon grand-père qui a longtemps représenté une sorte de héros à mes yeux. Mon grand-père, c'est un vrai self-made man. Il qui a réussi seul, sans diplôme, grâce à un charme et une intelligence qui m'inspirent à ce jour. Il a toujours eu plein d'amis qui le respectaient partout et je me souviens même d'une famille qui lui était tellement redevable qu'elle avait construit des toilettes dans leur maison rien que pour lui, pour l'éviter d'aller au fond du jardin en pleine nuit. Moi, je l'admirais.



Les séjours en Turquie se sont fait plus rares lorsque je suis devenue étudiante et que les stages obligatoires en entreprise ont pris la place des vacances d'été. Je ne me suis pas plaint. J'ai ensuite quitté la France pour les Etats-Unis et, peu avant mon mariage, en septembre 2003, je suis allée faire un tour en Turquie, histoire de reserrer les liens avec mon histoire avant de changer de nom.

Je me souviens très bien de ces vacances qui marquaient en quelque sorte le début de ma vie d'adulte : les remarques sur mon prénom et ma pâleur me laissaient désormais indifférente, je découvrais le pays d'un nouvel œil, peut-être parce que j'avais enfin trouvé ma place dans le monde. Mes relations avec mes parents etaient moins orageuses que lorsque j'etais plus jeune et je profitais vraiment de leur tendre compagnie.



Juin 2010. Je ne suis pas retournée en Turquie depuis 7 ans et je ne reconnais plus rien : la région, autrefois paisible, où je passais chaque été, est devenue à la mode ; les cousins, que j'avais quittés enfants, sont devenus adultes ; mon grand-père, éternel bout-en-train, n'a plus le moral ; le marchand de glaces, chez qui nous avions nos habitudes, a pris la grosse tête. Je me sens perdue. Petit à petit, cependant, je me recrée une place dans ce ce pays. Chaque samedi, nous allons au marché avec ma maman et je me suprends à marchander avec les vendeurs. Tous les matins, nous mangeons le pain que mon père va chercher pour le petit-déjeûner. Je revois la famille, qui ne pas visiblement pas oubliée.



Le retour de vacances est difficile, je mets bien un mois avant de retrouver mes repères. Je me languis des roses, hibiscus et géraniums, qui poussent dans les jardins. Le parfum énivrant des figuiers me manque et je donnerais cher pour remanger le pain turc, à la mie légère et filante, aux Etats-Unis. Je suis la première surprise par cet élan soudain de melancolie, qu'est-il en train de m'arriver ?



Je n'ai pas besoin de chercher trop loin : il y a un morceau de moi en Turquie.

13 commentaires:

  1. Tres joliment ecrit Estelle. Moi mon morceau est en France...Corine in Pa

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  2. ah làlà, elles sont tenaces nos racines !!! mais c'est tellement bon de les retrouver et de se souvenir ... bonne semaine Estelle !!!

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  3. Il est très touchant ton article...

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  4. Très beau post Estelle...
    et photos magnifiques comme d'habitude. Bises à la petite famille !

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  5. Que cet article est touchant, émouvant, empreint de mélancolie, merci pour ce joli moment de lecture

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  6. Fidèle de chez les fidèles, ce blog est un pur bonheur. Ce dernier billet est un pur morceau d'amour à croquer sans retenue

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  7. Courage ca va passer!!!
    Quand on vit loin de chez soi on est toujours content d'y rentrer mais le retour est toujours plein de doutes...c'est normal.
    Merci aussi pour votre blog que je suis depuis un moment, j'aime beaucoup. Quand a votre post sur la Turquie m'a rememore plein de souvenirs a moi aussi, encore merci!

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  8. que d'émotions dans votre post. bon courage pour votre retour et c'est toujours avec plaisir que je passe par votre blog que j'ai fait découvrir à mon fils qui vit depuis 3 ans à San Diego.

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  9. Je ne trouve pas non plus facile de gerer une double ou triple culture...Mais c'est une richesse telle, quelle chance!

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  10. C est ce qu on appelle " le cul assis entre deux chaises." enfin dans ton cas" trois chaises" d ou l inconfort...Monsieur le mari n a pas ce probleme mais est ce qu il compatit/ Et puis niveau langue, je suppose qu en bon Amercicain moyen, Monsieur n en pige pas une en french et ne parlons meme pas du turc!!!
    Mais la gamine, tu lui parles au moins en francais ...car la, ce serait dommage....tu peux aussi lui parler en turc hein.

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  11. Merci a tous pour les commentaires, je suis ravie que ce billet qui me tient a coeur vous ait touches vous aussi.

    Anonyme : monsieur n'a rien d'un Americain moyen mais, a vrai dire, il n'a rien de moyen, d'ailleurs, il parle francais !

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  12. J'espère que, du fond des tasses, le marc de café t'a promis un avenir riant ! C'est effectivement délicat d'être à cheval sur plusieurs cultures, parce que, où qu'on se trouve, on est toujours étranger. Mais dis-toi que, culturellement, tu es trois fois plus riche que ceux qui n'ont pas ce problème ! Je suis certaine que ça rend plus créatif et plus novateur.
    Aucun rapport, mais quels sont ces biscuits, sur la troisième photo ?

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  13. Bonjour Estelle, merci pour ce beau commentaire. La cousine de ma maman avait acheté ces biscuits tout prêts, au cacao et à la pistache. Ils étaient un peu sablés, si je me souviens bien. Je n'en sais malheureusement pas plus !

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